La veille des vendanges est un moment d’attente et de calme. Un moment qui permet de réfléchir à voix haute et de partager ses pensés sur les millésimes passés et ceux à venir. Depuis six ans environ, nos vins semblent plus fins, plus subtils, sans pour autant perdre leur typicité et leur tenue. Un effet millésime ? Probablement. Un changement de style ? Nous ne le recherchons pas. Persuadé que les terroirs font nos vins, notre influence sur leur caractère reste modeste.
Mais les facteurs externes qui entourent nos vignes évoluent continuellement et pour certains, notamment le climat, cette évolution semble s’accélérer ces dernières années. Alors nous devons nous adapter. Aux vents plus forts et plus fréquents, à la sècheresse et aux précipitations plus aléatoires, à la somme des températures plus élevées sur l’année. Car si les conditions climatiques changent, la vigne change également : sa croissance et son comportement, la maturation et la maturité du fruit, et en conséquence, la composition et l’expression gustative des vins. À nous, aux vignerons, de suivre cette évolution naturelle et de construire de nouveaux équilibres gustatives.
Comment y parvenir ? En cueillant les fruits à maturité optimale, nous préservons d’avantage de fraicheur gustative et aromatique dans nos raisins. D’autres mesures prises à la cave visent à préserver la vivacité et la pureté du fruit : protection de la vendange et des moûts en fermentation contre l’oxydation, vinifications moins extractives à basse température et un élevage en foudre qui ne s’impose pas. En effet, nous privilégions l’expression du vin, le bois n’étant là que pour la soutenir et l’embellir. Mais avant tout, notre choix pour l’agriculture biologique il y a quelques années était un premier grand pas dans cette direction. Au-delà d’une production et des produits plus sains, il s’agit de pérenniser la culture et de préserver un terroir vivant. Je veux transmettre des sols et un environnement sain à mes enfants sur lesquels ils peuvent continuer à cultiver la vigne. Nous avons la chance à Gigondas d’avoir hérité des sols vivants de nos parents. Alors il faut continuer dans ce sens.
Pour le reste, il me semble difficile de prédire l’évolution de la viticulture dans notre région. La vigne est une plante avec un énorme pouvoir d’adaptation, mais peut-être qu’il nous faudra travailler sur les porte-greffes, sur l’encépagement… Nous verrons petit à petit. Alors je crois que nos vins ont évolué ses dernières années et ils continueront à évoluer les années à venir. Car la vigne, le vin, le climat, ce sont des facteurs naturels, vivants, en partie imprévisibles. Ce sont eux qui indiquent la direction à prendre. Nous, on suivra.