Pour comprendre comment nous pensons et construisons nos vins, il faut s’approcher de la cuisine française. Il existe chez elle une hiérarchisation des saveurs et des goûts, basée à la fois sur la puissance, la finesse, la complexité et l’originalité des flaveurs exaltés par un met. La rareté des ingrédients et la préparation nécessaire avant de pouvoir jouir pleinement de la dégustation ont également de l’importance.
LA TRUFFE est un exemple pour cette vision culinaire « à la française ». À la fois dépendante du terroir, du climat et du millésime, c’est une denrée exceptionnelle. Après l’avoir trouvée à l’aide de l’appareil olfactif d’un chien, d’un cochon ou d’une mouche et l’avoir extraite de la terre, sa conservation est limitée et délicate (la congélation excluant par la suite son usage « cru »), autant que le nettoyage pour se débarrasser des derniers grains de sable logés dans les milliers de crevasses de sa surface rugueuse. Et peu nombreux sont ceux qui par la suite savent la mettre en valeur par la cuisson (la chaleur pouvant faire fuir ses arômes en peu de temps) et la meilleure façon de profiter pleinement de ce fruit sauvage et délicat à la fois, semble être de la râper tout finement sur une omelette, une purée de pommes de terres, une cuisse de faisan braisée… pour sublimer ces plats. La beauté des saveurs à l’état brut.
Restons parmi les champignons, penchons-nous sur LA MORILLE. Moins rarissime que l’énigmatique TRUFFE, la générosité et la complexité de ses saveurs reste néanmoins surprenante. Et, comme sa consœur souterraine, c’est un fruit entièrement resté à l’état sauvage, cultivé par la nature, condamnant ainsi les gourmets de ce monde à poursuivre l’activité de « cueilleur chasseur » de leurs ancêtres dans leur quête de la jouissance gustative. Le délicat et volatile gibier à plumes convient parfaitement à sa finesse, tout autant qu’un simple risotto bien crémeux saura donner de la substance aux flaveurs de ce champignon.
Homme des bois, trapu et solide, LE CÈPE fait appel à la plus profonde de nos sensations gustatives, celle qui décèle « l’UMAMI » ou le « SAVOUREUX » dans nos plats et préparations. Alors qu’il constitue un repas à lui seul si consommé à l’état frais, c’est un ingrédient quasi surpuissant une fois séché, donnant profondeur et longueur à toutes les sauces ou daubes qui se confient à lui. Une forte personnalité, représentant la noblesse paysanne sur les nombreuses tables qui l’accueillent.