L’équilibre et la santé du sol constituent la base de toute agriculture saine et durable. Un sécrète de polichinelle, que l’on a néanmoins du redécouvrir plus ou moins douloureusement au cours de ces dernières décennies, dans un environnement agricole qui a parfois eu du mal à se défaire des fausses promesses des « toutes chimiques » années 60.
Depuis, beaucoup ont compris : les sols, il faut les chouchouter, les bichonner, pour qu’ils vivent et perdurent. Car un sol, ce tas de cailloux et de boue que l’on regardait avec incompréhension et mépris, peut bel et bien mourir.
« L’agriculture doit littéralement retourner à ses racines en redécouvrant l’importance de sols en bonne santé… », écrit la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture sur son site internet. Le sol est en effet un écosystème très complexe, qui remplit plusieurs fonctions dont bénéficient les cultures que l’on y fait pousser. Réservoir d’eau et de nutriments, il héberge également une multitude d’organismes vivants, bactéries, champignons, insectes et même des mammifères, qui s’associent de façon bénéfique et symbiotique aux racines, améliorent la structure du sol et participent à une production végétale équilibrée. C’est un système autosuffisant qui, dans la nature, ne nécessite pas l’intervention de l’homme.
Dès que l’homme choisit de cultiver un sol, il déséquilibre ce système naturel en prélevant sa récolte. Tout paysan et agriculteur se doit donc de veiller continuellement à rétablir l’équilibre naturel. Pendant longtemps on a cru, qu’il suffisait d’apporter des engrais chimiques (donc non-naturels), facilement assimilables par les plantes, pour pallier ce déséquilibre croissant. Associés aux désherbants et pesticides, on « nettoyait » les terres des mauvaises herbes et d’autres nuisibles. De plus, l’utilisation d’engrais chimiques allant de paire avec une spectaculaire augmentation des rendements, on se croyait être sur la bonne voie. Mais il n’en était rien : les cultures se trouvent fragilisées par un apport excessif d’azote, les sols perdent leur porosité et leur capacité de rétention d’eau, la vie microbiologique se meurt… le déséquilibre devient quasi irrécupérable.
Mais une autre voie existe, sans pour autant revenir à « l’état sauvage » ! Au contraire, c’est souvent une démarche extrêmement réfléchie.
« Nous avons arrêté le désherbage et les engrais chimiques au début des années 90 », explique Jean-Marc Verhaeghe, vigneron et responsable vignoble au Château du Cèdre à Cahors. « Pour maîtriser l’enherbement naturelle, nous avons repris le labour, l’inter cep, ainsi que la tonte. Cela a été très bénéfique à nos cultures. Les vignes ont poussé leurs racines en profondeur, l’herbe contribue à la porosité des sols et favorise donc la pénétration des eaux de pluie. En plus, elle limite l’évaporation et l’érosion et favorise la biodiversité dans les sols et dans les vignes en général ».
Yves Gras a investi dans un composte enrichi de charbon végétal pour améliorer la structure et la vie de ses sols. À raison de 10 tonnes par hectare, ce composte spécial apporte de la matière organique dégradé lentement et augmente nettement la capacité de rétention d’eau de la terre. Ce n’est pas du luxe dans la partie méditerranéenne de la Vallée du Rhône, où les pluies pendant la période de maturation des raisins restent rares.
En Champagne, Hubert Soreau a également abandonné le désherbage dans son Clos l’Abbé. En prenant de gros risques. Car la présence d’herbe au printemps favorise les gelées blanches, qui peuvent détruire une récolte entière en une nuit. Mais ses vignes semblent le remercier pour ce retour à un équilibre plus naturel, en donnant un Champagne étonnamment opulent et complexe.