… du moins pour les levures. Elles se font toutes piéger au début, par les belles promesses d’un mout tout frais, bourré de sucres et d’autres éléments nutritifs : azote, vitamines, minéraux… Un vrai pays de cocagne ! Ivres de joie elles sautent dessus, ou plutôt dedans, s’empiffrant jusqu’à plus soif et se multiplient comme si il n’y avait pas de lendemain… Pour se réveiller avec une belle gueule de bois après trois quart de fermentation environ. Les nutriments deviennent plus rares à ce stade, la famine fait rage. Certaines essayent probablement de se raisonner, de se rationner, mais il est déjà trop tard. Comme le pétrole, le sucre est bel et bien une ressource épuisable, du moins dans une cuve de vinification. Commence alors l’hécatombe. Quelques-unes arrivent probablement à s’échapper par une pompe et quelques tuyaux au cours d’un ultime remontage, mais la plupart des levures naturelles ou sélectionnées finiront sans aucun doute au fond de la cuve avant que la dernière molécule de glucose ne soit dévorée.
Une aubaine pour le vinificateur, car la masse mourante forme ainsi la lie sur laquelle le vin se reposera. Quand les levures mortes se décomposent, elles libèrent en effet quantité de molécules qui peuvent enrichir le profil gustatif et olfactif du vin. Les vins élevés sur lie deviennent ainsi plus gras et gagnent en complexité aromatique. De plus, le caractère réducteur de la lie (elle piège l’oxygène) augmente leur tenue à l’air.
Un élevage sur lies, surtout pratiqué sur les vins blancs, constitue donc un grand avantage. À deux conditions près :
Que la lie soit de de bonne qualité. Cela dépend entre autres de la qualité initiale de la vendange et du déroulement de la fermentation alcoolique. Avant d’élever sur lie, il faut donc la goûter. Sinon, elle peut être source de mauvais goût et odeurs.
Que le style de vin que l’on veut créer demande du gras et de la complexité. Autrement dit, si la cuvée exige légèreté et fraîcheur, inutile de l’engraisser comme une oie.
En résumé : le malheur des levures fait parfois le bonheur du vigneron.
LEVURES AU MICROSCOPE